Pour moi, la démocratie sanitaire, ou démocratie en santé, englobe tout ce qui va toucher et va permettre d’améliorer le système de santé, en comptant sur la participation des usagers. On parle d’usagers pour désigner autant les patients chroniques que toutes les personnes qui vont être confrontées à un moment ou un autre au système de santé. Ça peut être des aidants, ça peut être des familles. On va ainsi au-delà de la question des patients.
En fait, le terme de « démocratie sanitaire » a pris corps avec la loi Kouchner de 2002 sur les droits de patients et renvoie à la manière dont les usagers peuvent participer et intervenir à une échelle collective pour l’amélioration de leurs droits, l’amélioration du système de santé dans sa globalité. Cela passe notamment par la qualité et l’accès aux soins. Cette loi a permis d’avoir des bénévoles d’associations qui portent une voix collective au sein de tous les établissements de santé. Aujourd’hui, leurs missions sont inscrites dans la loi et cela leur donne une vraie légitimité et permet de faire progresser de concert la voix médicale, la voix administrative et la voix des usagers.
Alors c’est une question intéressante. Ce qui est sûr c’est que la démocratie en santé touche tous les domaines de la santé. Donc évidemment la question du numérique en santé, par définition, ne fait pas exception à cela. En revanche, la e-santé n’a peut-être pas été, au départ, au service de la démocratie en santé. Je pense que l’impulsion d’acteurs politiques, gouvernementaux, médicaux et stratégiques, comme l’Assurance Maladie par exemple, a permis d’ouvrir la voie et d’injecter ces notions de démocratie en santé au sein du numérique en santé.
Nous c’est quelque chose que nous avons vécu aux premières loges, notamment avec le tour de France du numérique en santé qui préfigurait l’arrivée de Mon espace santé en 2019, qui a été fondateur. Et la e-santé continue de progresser avec les années. La e-santé c’est la télésanté, c’est l’utilisation des données de santé… c’est très large. Et à travers ce développement de la e-santé, on a cette volonté qui perdure toujours : celle d’intégrer les usagers dans tous les cadres qui émergent pour structurer et dynamiser le numérique en santé. On peut prendre deux exemples très concrets : la CNIL qui demande d’intégrer dans les comités éthiques et scientifiques des « entrepôts de données de santé » des représentants d’usagers et l’Agrément pour les sociétés de téléconsultation qui impose au sein des comités médicaux la présence de représentants de patients.
On voit, ainsi, que l’on met de plus en plus les acteurs qui font la e-santé, au centre des décisions et des politiques publiques sanitaires. Et cela fait écho au principe de démocratie en santé : il faut écouter la parole des usagers, écouter ce qu’ils vivent et l’intégrer pour pouvoir y répondre.
Le numérique en santé ne peut pas fonctionner s’il n’est que du côté des professionnels ou que du côté des patients. C’est pour cela que je pense qu’il y a eu une intuition qui était vraiment la bonne lorsqu’il y a eu l’impulsion publique et politique en 2018-2019 d’embarquer autant les acteurs de l’innovation qui font la e-santé que les patients.
Pour moi, s’il n’y avait pas eu ce souci de faire vivre la démocratie en santé en faisant participer les patients et usagers, effectivement ils n’auraient pas pu avancer aussi vite et aussi fort. Parce que la démocratie en santé, c’est : comment arrive-t-on à construire et à faire vivre ce dialogue ouvert aux différents acteurs et en particulier aux patients ? Quelle est la vision commune de tous les acteurs ? Et c’est vrai qu’on écoutait, peut-être au départ, proportionnellement plus les professionnels de santé que les patients.
La France fait figure d’exemple en la matière. Tous les pays n’intègrent pas autant les usagers dans les prises de décisions et le développement de la e-santé. On sent que l’expérience patient est quelque chose qui est très porteur aujourd’hui. En tout cas dans le développement de la e-santé, c’est quelque chose dont il faut se féliciter.
En tant qu’organisation de référence pour représenter les patients et les usagers, nous travaillons surtout pour agir sur les projets de lois, de réglementation, pour intervenir dans la définition du cadre dans lequel la e-santé s’épanouit. Il est nécessaire que ce cadre soit suffisamment ouvert pour que l’innovation puisse naître et s’épanouir et suffisamment circonscris pour être protecteur vis-à-vis des patients. Pour cela, France Assos Santé coopère surtout avec les acteurs publics, l’Assurance maladie et le ministère de la Santé notamment.
Son statut et sa mission sont inscrits dans le code de la santé publique. De ce fait, nous sommes reconnus et amenés à nous prononcer sur des projets législatifs et réglementaires. Nous avons ainsi à cœur d’apporter notre vision de la e-santé. Le numérique n’est pas une fin en soi mais doit avoir un objectif. L’important est de se demander : comment la e-santé est au service de tous les patients et bénéficie à ces derniers de manière directe ou indirecte via les professionnels de santé ?
Notre travail est de porter la voix des usagers en les rassemblant, en trouvant un consensus au sein de nos associations qui sont très diverses et ont souvent des perspectives différentes.
L’un des enjeux est aussi de pouvoir outiller les associations et les bénévoles associatifs. C’est-à-dire de leur communiquer de l’information, de les sensibiliser, de les former dans certains cas. C’est bien de penser la e-santé mais la faire c’est encore mieux ! Cela pose de nombreuses questions. De fait, une solution numérique est rarement utilisée telle qu’elle a été imaginée ou conçue. Il y a toujours un décalage entre la théorie et la pratique. Ainsi, une des visions que nous essayons de porter c’est que les acteurs de la e-santé ne se concentrent pas seulement sur la théorie et doivent intégrer les usages réels dès la conception.
Bien sûr ! Un des objectifs est de rappeler que les innovations numériques ne doivent pas être seulement réfléchies d’un point de vue technique et technologique mais doivent être aussi pensées d’un point de vue organisationnel. Elles doivent en effet embarquer les patients, les professionnels de santé et les acteurs publics.
Autre sujet très important dans le domaine de la e-santé : c’est la question de la prévention, qui est une finalité en soi, et la question de l’IA, qui est un moyen. Je pense que l’Intelligence Artificielle est un enjeu fort pour nous. C’est très bien de faire des IA les plus fines possibles mais finalement injecter ces outils numériques dans l’usage qu’en ont au quotidien les professionnels de santé, ce n’est pas toujours simple et ça ne s’improvise pas. On se laisse ainsi facilement dépassé par ce qui est fait, que ce soit dans la santé ou en dehors. Il faut que l’on arrive à diminuer au maximum les défauts et erreurs de ces outils qui peuvent avoir des impacts assez conséquents dans la santé.
D’un point de vue technologique, on plaide beaucoup pour qu’il y est une sorte d’éthico-vigilance tout au long de la vie de ces services. Comme la pharmacovigilance, on surveille les effets indésirables et bien pour les outils d’IA, il est nécessaire d’avoir un reviewing lorsque l’outil est utilisé par les professionnels de santé afin de vérifier le produit et de corriger les problématiques et dérives.
L’IA est une des clés techniques de la prévention. Il faut alors se demander : comment grâce à l’IA, les professionnels de santé vont pouvoir proposer des interventions pertinentes, adaptées et impactantes de prévention ?
En fait il faut que le numérique puisse aider à dire : « tel patient a tant de % de risque sur tel sujet, il en est à cet endroit-là dans son parcours de santé, là c’est le bon moment pour venir lui apporter tel message et faire que ce soit impactant ». Il faut ainsi que l’IA nous permettre de maximiser le temps humain et la plus-value de l’humain au bon moment.
Pour reformuler ce serait donc : comment le numérique permet de redonner une valeur encore plus forte à l’humain dans la santé ?
Bienvenue sur notre blog dédié à la santé numérique. Au fil des articles que nous partagerons ici, nous reviendrons sur les temps forts de l’Université de la e-santé et nous explorerons en profondeur le vaste monde de la e-santé. Que vous soyez un passionné ou un professionnel des nouvelles technologies, préoccupé par votre santé personnelle, ou tout simplement curieux de savoir comment le numérique affecte le domaine médical, ce blog est fait pour vous !
Vous avez une actualité à partager, un article à diffuser ? Contactez-nous !