L’exemple le plus connu et le plus ancien, c’est le 15. Quand on appelle le 15, heureusement, on ne tombe pas sur un médecin réanimateur. Ces plateformes de régulation, c’est déjà de la télésanté. On est à distance, on utilise des outils numériques. Et pour le coup, on parle à des régulateurs qui ne sont pas des professionnels de santé et qui permettent au système de fonctionner. Imaginez si n’importe qui appelant le 15 dans la région tombait sur le numéro du médecin réanimateur ça ne fonctionnerait pas tout bêtement. Donc cette délégation de tâches, cette hiérarchisation des tâches, l’utilisation de plateformes de régulation c’est quelque chose qui existe depuis très longtemps et qui est indispensable. Après la question c’est comment on le transfert à d’autres cas d’usage.
Oui absolument, il y a des disciplines où s’est déjà développé mais il y a aussi les assistants médicaux qui commencent à arriver dans les cliniques, en neurologie on en voit pas mal. Il y a pas mal de disciplines où c’est déjà en place et il y a des sujets comme la télésurveillance médicale ou la téléexpertise où ça devient absolument indispensable de réguler parce que le système ne fonctionne pas à cause de fonctionnements anarchiques.
Pour revenir au sujet de base, la délégation de tâches, effectivement, nous médecins, on veut tout contrôler. Mais les patients on les voit 15 minutes tous les trois mois, tous les six mois, tous les ans. Donc ça n’a aucun sens. On se dit que si quelqu’un fait 99% aussi bien que moi mais qu’il manque quand même 1% le patient est en danger. Oui, mais si ce professionnel voit le patient 10 fois plus souvent que moi, je pense que le patient est gagnant. Donc, on a besoin de revoir notre manière de fonctionner. Nous, on veut suivre les patients quand ils vont bien. Finalement, s’il y a une petite erreur d’évaluation quand quelqu’un va bien, c’est moins grave que quand il va très mal. Donc, on change de paradigme. Par exemple, sur le Gérontopôle, on a mis en place une télésurveillance des personnages âgés qui vont bien et qui prend 30 secondes. 35 000 personnes sont suivies à distance en Occitanie.
En fait, les gens s’auto-évaluent à distance tous les six mois avec une application mobile, ça prend 15 minutes ou avec l’aide d’un aidant. En gros, quand ils vont bien et pas quand ils vont mal. Donc on suit 35 000 patients avec l’application mobile. Finalement, tout le monde ne voit que l’application mobile y compris le gouvernement mais c’est au final juste un formulaire qu’on a numérisé. Vous pouvez le faire si vous voulez, ça va vous coûter 3 000 €, mais ce n’est pas ça un changement de système de santé. Derrière ce formulaire, les données vont quelque part. Il faut constituer une base collaborative qui doit permettre aux professionnels de travailler ensemble. Moi, je ne peux pas regarder les données de 35 000 patients toute la journée. Cela veut dire qu’il faut des algorithmes, des alertes, qu’il faut former des gens à suivre ces alertes, dont des aides-soignantes formées, des infirmières, des infirmières de pratique avancée, donc c’est des nouveaux métiers, de la délégation de tâches. Et finalement ça c’est 99% du projet, l’application mobile c’est un détail. Si c’est un chatbot c’est un chatbot, si c’est un formulaire papier pourquoi pas, mais au final on s’en moque !
On met en avant le côté techno sexy, pas que dans les médias, aussi dans les administrations publiques et les systèmes de santé. Donc finalement le côté pub marketing fonctionne avec tout le monde. Mais ça veut dire quoi ? Ce qui coûte cher, ce n’est pas l’appli, c’est la plateforme de télésurveillance médicale qui est un outil numérique très complexe. C’est la nouvelle organisation, ces nouveaux métiers qui ne sont pas rémunérés. L’assurance maladie ne rémunère pas une aide-soignante pour suivre des alertes de télésurveillance sur une plateforme numérique. C’est des nouveaux financements à trouver, des nouvelles formations, des nouveaux métiers. C’est à ce prix-là qu’on peut vraiment changer le système de santé.
Je pense qu’il y a la peur. Tout le monde sait très bien que la prévention, c’est rentable à terme. La question, c’est à qui on s’adresse et quelle est son échéance ? Est ce qu’il doit rendre des comptes dans un an ou dans cinq ans ? Si c’est dans cinq ans, ça va peut-être l’intéressé. Si c’est dans un an, il va juste voir une dépense. Donc effectivement, il y a cette peur d’ouvrir les vannes, d’avoir des dépenses à court terme quand on a une vision à court terme.
Et puis après, effectivement, il y a la méconnaissance. Le fait que les médias soient inondés par l’IA, les technos avec pour le coup des croyances complètement délirantes, parce qu’actuellement, l’immense innovation en santé, c’est un agenda partagé ! Le déploiement de la visio pendant la Covid, ça faisait rire les jeunes étudiants ingénieurs. Il y a 60 ans, on allait sur la lune et en 2023, on met de la visio en France ! L’innovation techno, on la survend terriblement. Nous, on a surtout besoin de changement des pratiques, de changement du système de santé. Mais ça, personne n’est réellement prêt à part les patients. Les professionnels de l’administration ne sont pas prêts. Il faut qu’on les brutalise et finalement qu’on fasse des pilotes nous-mêmes, qu’on change nos pratiques nous-mêmes sur fonds propres, à fonds perdus et qu’on démontre que ça marche pour leur demander de mettre un peu d’argent.
Le plus bel exemple, c’est la télé-expertise. La télé-expertise, c’est un médecin qui demande l’avis d’un autre médecin à distance. Ça, on en fait de manière massive mais on le fait par SMS, par Gmail, de manière complètement illégale, non tracée, non sécurisée. Et puis surtout on est sollicité tout le temps. Pendant une journée, on estime qu’il y a une interruption de tâche toutes les 7 minutes ! Par SMS, par mail, par téléphone, à l’oral, on reçoit même des courriers, des fax. Nous, on a encore des fax ! Ce n’est pas efficient, on n’est pas concentré et pour le coup, il y a un problème de sécurité. Et puis, on perd énormément de temps. On estime qu’on perd une heure de travail par jour par médecin hospitalier. Je suis désolé, j’ai une vision hospitalière, le reste je ne connais pas bien. Donc une heure par médecin, c’est une perte financière monstrueuse.
On dit aux médecins organisez-vous différemment. Dédiez une heure de manière asynchrone par jour ou une demi-journée par semaine où faites une rotation entre médecins. Et en dehors de ce temps-là, on ne peut pas vous solliciter. Mais pour pouvoir faire ça, là, pour le coup, il nous faut de la technologie. Il nous faut un outil. Donc il nous faut un outil dédié de téléexpertise qui permet de dire à tous les requérants déjà que vous devez passez par cet outil et de ne pas passer pas par WhatsApp. Vous passez par cet outil et il vous dira si je vous réponds dans les deux heures, les 24 heures, les 72 heures, si mon temps de réponse est différent le week-end et la semaine. Je le paramètre une fois pour toutes. Cet outil va me permettre de travailler sereinement, d’être moins dérangé, potentiellement d’avoir moins de burn-out et d’être plus efficace et plus sécurisé dans mes réponses. Il y a des moments où la technologie est absolument indispensable, mais ça nécessite en amont que les gens se réorganisent. Et c’est ce qu’on est en train de faire actuellement sur le CHU de Toulouse, c’est notre grand projet des 12 mois, c’est de déployer de manière massive la téléexpertise de manière organisée, sécurisée.
Et l’hôpital a tout y gagné. On va passer d’une heure de dérangement inefficace par jour à quelque chose de beaucoup plus organisé. Après, on va pouvoir facturer cette activité à l’assurance maladie qui, jusqu’à présent, était faite gratuitement. C’était mal fait, de manière illégale, gratuitement. Et en plus, ça impacté notre qualité de soin pour les autres patients que l’on voyait en présentiel. Donc, bien entendu, la techno, quand elle est bien utilisée, peut apporter une meilleure qualité de soin. Ce n’est pas à la place de, ce n’est pas moins d’humains. C’est juste les personnes qui sont en face de vous sont vraiment en face de vous parce qu’elles ne sont pas dérangées dix fois pendant qu’elles vous parlent. Et à côté de ça, on peut donner des avis pertinents et posément à des gens qui sont à 200 kilomètres et qui n’ont pas forcément accès à une expertise équivalente autour de chez eux.
Je pense qu’à partir du moment où on s’intéresse aux patients, quand ils vont bien, on s’intéresse à beaucoup de personnes, on recueille beaucoup de données. Donc il y a une masse de données qui fait qu’on ne peut pas la traiter avec des méthodes conventionnelles. Donc il faut des algorithmes, de l’IA, etc. Et le point important est qu’il ne faut absolument pas que cette IA soit une boîte noire. Il faut vraiment que les professionnels s’y intéressent, qu’ils ne se laissent pas enfumer. Ce n’est pas si compliqué que ça. Il faut qu’ils aient la main mise sur le paramétrage des algorithmes, d’autant plus que juridiquement, ils ne pourront absolument pas se reposer dessus. On ne pourra pas dire c’est pas moi, c’est l’IA. Si j’utilise l’IA, j’en prends la responsabilité. Donc, je dois savoir comment ça fonctionne, quels en sont les avantages, quelles en sont les limites. Je pense que ça aura évidemment sa place dans le parcours de soins, mais il faut vraiment que les professionnels de santé s’y intéressent.
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