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La mise en lumière des start-up pionnières sur l’innovation dans le secteur de la santé des femmes

Retour sur l’entretien que nous a accordé Christel Bony, co-fondatrice de FemTech France et Sex Tech For Good qui s'efforcent de soutenir et de mettre en lumière les start-up pionnières sur l’innovation dans le secteur de la santé des femmes qui est en pleine effervescence. Cependant, les défis auxquels sont confrontés ces start-up mettent en lumière la nécessité d'un changement culturel et financier pour favoriser leur développement. Alors que certaines entreprises françaises peinent à percer sur le marché national en raison de barrières culturelles et de financements limités, d'autres pays semblent offrir des opportunités plus attractives. Pour Christel Bony il est crucial de repenser les modèles de financement et d'encourager l'investissement dans des projets à fort impact sociétal, en particulier dans le domaine de la santé des femmes.

« Aujourd’hui c’est aussi comment on se pose la question d’avoir des fonds qui financent de l’impact sociétal ou de la qualité de vie et qui n’attendent pas les mêmes retours sur investissement »

Vous pouvez nous présenter FemTech France et Sex Tech For Good.

FemTech France est une association qui est née il y a à peu près un an et qui a pour but de fédérer toutes les start-up qui innovent en santé des femmes, de les accompagner et d’essayer de faire émerger des sujets et des solutions. Sex Tech for Good fédère aussi des start-up mais elles qui sont engagées dans toutes les innovations dans les domaines de la sexualité. Donc bien sûr il y a le plaisir mais aussi l’éducation, la santé, la sécurité des seniors et des personnes en situation de handicap.

Vous avez créé et dirigé une société dans ces secteurs, vous partagez le constat qu’il est plus difficile de lever des fonds dans le secteur de la FemTech ?

Oui, je vais commencer par donner quelques chiffres. On a fait une cartographie, une mise à jour du secteur. La Femtech en France, c’est à peu près 115 start-up qui sont répertoriées, 50 qui sont adhérentes chez Femtech France. Elles sont toutes dans l’innovation en santé des femmes. Les sujets sont très divers. Il y a effectivement du SOPK de l’endométriose, de la reconstruction mammaire.
Sur les levées de fonds c’est extrêmement compliqué. Dans le baromètre que l’on va publier on constate que le médian de la levée de fonds est de 1 million d’euros et seulement 40% des startups ont levé de l’argent. Donc en fait c’est très peu. On est clairement dans le cadre d’une industrie où on subit la double peine. La plupart, quasiment 100% de ces start-up sont créées par des femmes qui sont des patientes expertes qui sont touchées par une maladie ou par un problème de santé dans leur vie. 47% de ces start up seulement ont dans leur board un professionnel de santé ou sont créés par quelqu’un qui vient du monde médical. Ce sont des start-up qui sont créés d’une expérience et d’un manque, d’un besoin pour lequel on ne trouve pas de solution et qu’on s’efforce de trouver soi-même avec toutes les limites que ça a.
Je pense aussi qu’il y a un problème de culture. On entend encore des retours lors de levée de fonds que ces dossiers ne seront pas transmis aux board car ces même board sont composés à 80% d’hommes de plus de 50 ans qui ne voient pas pourquoi ils seraient intéressés par les douleurs vulvaires ou par des problèmes de règles. Donc on a ce problème de double peine des femmes entrepreneuses sur des sujets qui ne sont pas encore suffisamment pris au sérieux.

Christel Bony« Sur les levées de fonds c’est extrêmement compliqué. Dans le baromètre que l’on va publier on constate que le médian de la levée de fonds est de 1 million d’euros et seulement 40% des startups ont levé de l’argent. Donc en fait c’est très peu »

Vous essayez aujourd’hui de lutter contre ces clichés et surtout d’encourager les femmes entrepreneuses. Qu’est-ce que vous faites très concrètement pour ces femmes ?

La première chose qu’on avait faite et qu’on fait toujours c’est un bootcamp. L’idée c’est d’accompagner pendant un mois une promotion de start-up pour acquérir un certain nombre de connaissances de base. C’est compliqué de savoir comment fonctionne le système de soins, de santé, comment on fait pour travailler avec un grand groupe, avec une mutuelle, comment on construit un business, quel est le marché de la Femtech au niveau international ? On fait aussi des cours de base sur la santé des femmes. On les accompagne là-dessus de manière très concrète pour qu’à la fin, au bout d’un mois, elles puissent un peu booster leur projet. Après, on fait des états des lieux pour informer sur le secteur, on collecte des datas pour faire des baromètres et on essaye d’avoir des espaces de visibilité pour expliquer tout l’enjeu d’innover dans ce secteur.
Et les enjeux sont nombreux. Le frein principal c’est le changement culturel. On essaye d’aller vers les pouvoirs publics, de mener des actions de lobbying et des actions de plaidoyer pour dire voilà la santé des femmes ne doit plus être oublié des investissements. A VivaTech, la fête était très belle mais maintenant, moi, ce que j’attends, c’est du concret ! Parce qu’aujourd’hui vous avez par exemple une application comme Vulvae, pour les données vulvaires, qui est la seule application comme ça qui existe en Europe et peut-être dans le monde. Elle est portée par une femme exceptionnelle qui va présenter des papiers sur les douleurs vulvaires dans des colloques scientifiques alors qu’elle n’est pas médecin. Et aujourd’hui Vulvae va sans doute fermer la porte alors qu’elle a fait un travail incroyable de recueil d’informations sur ces pathologies auprès des femmes et des médecins. Tout ce travail il a été fait par une petite start-up que tout le monde trouve formidable mais que personne n’aide concrètement. Donc aujourd’hui qu’est-ce qu’on fait ?

« On a ce problème de double peine des femmes entrepreneuses sur des sujets qui ne sont pas encore suffisamment pris au sérieux »

Vous dites d’ailleurs qu’en France, on serait plutôt en retard par rapport à ce qui va se passer aux États-Unis ou en Grande-Bretagne à ce sujet.

Mais on est déjà en retard ! C’est pour ça qu’on alerte. On le voit sur les levées de fonds. Heureusement, on a quelques entreprises qui ont réussi, mais pas assez, et sur des montants qui sont extrêmement bas. Quand vous regardez à l’international, rien que cette semaine, on a une start-up qui n’a pas encore vraiment sorti son produit, qui s’appelle Caraway Health, qui propose une application pour la santé des jeunes femmes avec des consultations en ligne pour une approche globale avec plusieurs praticiens. Elle avait déjà fait un premier tour de 10 millions. Elles refont un second tour à 16 millions. On a des start-up en France ici qui développent la même chose depuis longtemps et qui n’ont rien. Donc il y a un moment donné, c’est compliqué. Même ces start-up là où on va leur dire il faut faire des études cliniques, des boards avec des médecins. Tout ça, ça coûte de l’argent, du temps. Et si on ne le finance pas, ça n’existe pas.

Vous avez même des start-up qui vont aller se développer à l’étranger parce qu’elles n’arrivent pas à percer en France parce que vous dites qu’il y a une espèce de barrage culturel ?

Il y a deux choses. Premièrement c’est le risque de voir arriver en France des start-up étrangères qui développent ces services et qui prennent des parts de marché en France sur ces pathologies et ça doit nous interroger.
Et puis on a ce problème culturel en France d’avoir l’impression que la santé est gratuite. 68% des start-up qui ont répondu à notre baromètre disent vouloir développer des produits et services qui devraient être remboursés par la Sécurité Sociale. Sauf qu’on sait bien qu’obtenir un tel remboursement c’est très compliqué et on doit peut-être dire à nos start-up que quand elles développent ce type de services, la France n’est peut-être pas le marché sur lequel elles doivent prioriser. Ça crée aussi de la médecine à deux vitesses. Ça pose plein de questions mais elles ont intérêt à aller sur des marchés où les femmes sont déjà habituées à acheter des produits ou des services.

« Le frein principal c’est le changement culturel »

Il y’a deux sociétés qui sont assez représentatives de ce que vous dites : Fizimed et Perifit qui font de la rééducation du périnée, vous pouvez nous expliquer les difficultés que ces sociétés ont rencontré en France ?

Ce n’est pas tant des difficultés, c’est d’aller là où, effectivement, il y avait un marché avec des femmes prêtes à l’acheter. Les deux sont des sondes périnatales avec des applications et un peu de gamification pour la rééducation du périnée. Fizimed a réussi à se faire rembourser par certaines mutuelles en Allemagne, ce qui n’est pas encore le cas en France. Perifit son premier marché, ça a été l’Australie et après l’Allemagne. Ce sont des pays où la rééducation du périnée n’est pas prise en charge par le système de santé. En France on a de la chance, les femmes on a des séances de Kiné qui vont être remboursées. Donc on ne va pas forcément mettre 100 euros dans cet appareil mais quand on est dans un pays où ça n’est pas pris en charge, on va acheter plus facilement.

Vous constatez aussi de vrais problèmes d’amorçage pour ces sociétés ?

Oui c’est vrai mais il faut aussi dissocier deux champs : la santé et le bien-être. En santé, il va y avoir des appels à projets, des aides. Si on est sur le bien-être c’est très différent. Pourquoi ? On va avoir des fonds qui nous disent que les projets ne sont pas assez innovants d’un point de vue techno et ils ne sont peut-être pas ambitieux au niveau de l’internationalisation. Moi je dis que sur la santé des femmes, sur le bien-être et la gestion des douleurs, il y a plein d’applications qui ont une vraie utilité dans les parcours de soins ou la prise en charge de la qualité de vie. Mais si elles doivent être toujours financées par des fonds qui s’attendent à faire x10 en 5 ans sur le chiffre d’affaires, ça ne marche pas. Donc aujourd’hui c’est aussi comment on se pose la question d’avoir des fonds qui financent aussi de l’impact sociétal ou de la qualité de vie et qui n’attendent pas les mêmes retours sur investissement.

« Ces entreprises ont intérêt à aller sur des marchés où les femmes sont déjà habituées à acheter des produits ou des services »

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